Nous sommes 6 mois après le DDAY, il est 14h et un épais brouillard anglais enveloppe l’aérodrôme de Twinwwod comme une couverture humide et lourde. Devant la tour de contrôle qui s’élève sur la base de la Royal Air Force à 50 miles au nord de Londres, trois silhouettes scrutent le ciel lourd et gris, dans le ronflement d’un avion. Un monomoteur Norseman UC-64-A se glisse à travers les nuages et atterrit sur le tarmac. Les trois hommes montent dans une voiture et se dirige vers lui. Après avoir chargé quelques bagages, seuls deux des hommes s’installent à bord, le troisième reste sur la piste.
L’homme qui s’est installé sur le siège arrière, un major avec des lunettes rondes, cerclées de métal, et au regard un peu hagard, cherche autour de lui et demande « Hey ! Où sont ces foutus parachutes ? »
« C’est quoi le problème, Miller, tu veux vivre éternellement ? » lui répond, goguenard, le colonel qui a pris la place du copilote.
Le troisième homme ferme la porte et s’éloigne de l’avion. Le pilote relance le moteur et se dirige vers le bas de la piste. Le petit avion accélère pour décoller, s’arrache du sol et disparait dans le brouillard et la bruine en direction de Paris. Le son du moteur s’étouffe peu à peu et l’aérodrome retombe dans le silence.
Nous sommes le 15 décembre 1944, le major assis sur le siège arrière est le chef d’orchestre Glenn Miller. Il part pour Paris afin de préparer l’arrivée de son orchestre militaire le « US Army Air Force Band » qui doit jouer pour les troupes qui ont libéré Paris.
L’avion n’atteindra jamais sa destination et aucune trace ne sera retrouvé ni du monomoteur, ni de ses passagers.
Glenn Miller disparait à jamais dans le brouillard anglais.
Le mystère de sa disparition
Pendant plusieurs décennies, personne ne sait vraiment ce qui s’est passé ce jour-là. Certains avancent que l’avion est passé dans une zone de délestage des bombardiers alliés, qui lâchaient les bombes non utilisées en mission, au-dessus de la Manche et de la mer du Nord avant d’atterrir. D’autres encore mettent en avant l’inexpérience du pilote et la météo défavorable.
Quarante ans plus tard, un journaliste du magazine anglais Aeroplane Monthey mène l’enquête et retrouve un navigateur de bombardier anglais, Fred Shaw, installé alors en Afrique du Sud, qui lui confirme ce qu’il avait consigné à la RAF le jour de la funeste disparition. Ce jour de décembre, son groupe de quadrimoteurs Lancasters, en mission pour bombarder Siegen, en Westphalie, était rentré bredouille à cause du brouillard après avoir jeté à la mer, comme prévu au règlement, le chargement de milliers de bombes incendiaires, à la verticale d’un endroit cartographié par l’aviation anglaise pour ce faire. Il semblerait donc que le patriote Glenn Miller ait bien été tué par les siens, dans un concours de circonstances funestes.
Glenn Miller, l’arme secrète des US Forces
Lorsque l’Amérique entre en guerre, Glenn Miller, trop vieux pour être appelé sur le front, se porte néanmoins spontanément volontaire auprès de la Navy, qui le renvoit chez lui poliment. Il est pourtant au sommet de sa gloire avec son big band et rien ne l’oblige à faire cette démarche. Têtu, il récidive et s’engage cette fois-ci au sein de l’US Air Force. Il sera Capitaine puis Major, en charge de l’orchestre militaire. Il modernise et dynamise si bien cet ensemble que le Général Doolittle dira de lui :
» Cet orchestre est le meilleur outil pour le moral des troupes sur le front européen, juste après une lettre de Maman »
Il donnera plus de 800 concerts et écrira plus de 70 tubes en 4 ans.
Musicien, compositeur, arrangeur, chef d’orchestre
Né en 1904 dans l’Iowa, Glenn Miller découvre le trombone à l’âge de 11 ans. Vers 1921, alors qu’il étudie encore au secondaire, il obtient ses premiers contrats professionnels au sein des « Senter’s Sentapeeds ». Il se produit dans plusieurs autres orchestres locaux.
Il abandonne ses études en 1924, pour rejoindre la formation de Ben Pollack, où on trouve également un certain Benny Goodman. En 1928, Glenn Miller s’installe à New York où il joue pour Pollack, mais aussi pour Loring « Red » Nichols et Paul Ash (en). Il commence à écrire des arrangements pour ces différents orchestres. Au début des années 30, il dirige le « Smith Ballew Band ». Il monte en 1937 son premier big band qui ne rencontre par le succès, il le dissout rapidement. Néanmoins, il tente vite l’aventure une seconde fois. Et celle-ci sera la bonne.
L’histoire de Glenn Miller a été adaptée au cinéma en 1954 dans le film Romance inachevée, avec James Stewart dans le rôle-titre.
Glenn Miller et les V-disc
Les V-disc ou Victory discs est une arme redoutable et originale, imaginée par le département de la Guerre US. Entre 1943 et 1948, des disques seront produits exclusivement pour le morale des troupes. Principalement des 78 tours de 30 cm, en partie des rééditions de titres déjà publiés par des grands labels, mais la plus grosse partie est composée de nouvelles créations. Au final, ce sont 905 disques et 4 millions d’exemplaires qui seront produit. En 1949, les matrices sont toutes détruites, et une véritable chasse est lancée pour détruire tous les exemplaires en circulation, quitte à missionner le FBI (rien que ça !) et le Provost Marshal’s Office !
Cette guerre là est néanmoins perdue d’avance puisque l’intégralité de la collection est rassemblée à la bibliothèque du Congrès à Washington.
Sources :
https://www.mtholyoke.edu/~knigh20c/classweb/miller.html
http://www.bbc.com/news/uk-england-berkshire-16517128
http://www.biography.com/people/glenn-miller-37990
https://fr.wikipedia.org/wiki/V-Disc